We love you so much (L).

Merci de mettre en spoiler ...

Depuis quelques jours, au moins une semaine pet-être même deux, en fait il n'avait plus vraiment la notion du temps, un jeune homme ne logeait plus à l'université mais dans sa main avec son père, mais même là-bas, cet endroit si familier pour lui, il n'arrivait pas à fermer l'œil de la nuit. Alors au lieu d'attendre que le temps passe et que la mort l'emporte pendant qu'il était allongé sur son lit, il préférait passer ses journées et ses nuits à errer sans but dans le parc. Les cours ne l'intéressaient plus, traîner avec ses amis non plus et sortir en boîte encore moins. Bizarre pour un jeune homme de son âge normalement constitué. Il n'est pas normalement constitué, en tout cas plus maintenant.

Un jeune garçon au style particulier traîne encore et toujours dans le parc un samedi après-midi. Les personnes qui le croisent se demandent ce qu'il fait là, seul. Solitaire, il l'est toujours depuis quelques temps. Une guitare sur le dos, il erre. Errer. Un mot qui a pris tout son sens depuis qu'il a appris la nouvelle. Perdu. Voilà dans quel état il erre depuis qu'il a compris qu'il était de nouveau seul. Haine. Il déteste chaque personne qui peuple cette Terre. Tristesse. Un manque énorme dirige maintenant son corps et son cœur. Amour. Ce sentiment fait encore parti de lui malgré tout ce qu'il s'est passé. Comment peut-il encore sourire ? En fait, il ne peut plus, il ne veut plus, à quoi bon ? Ça ne changerait rien. Cet homme, il le déteste plus que tous les autres, car il était là alors que lui non. Démon, ce petit être le représente et a resserré son emprise sur le jeune homme jusqu'à prendre le pouvoir et écraser, presque effacer, le petit Ange. Il a dû subir le fait d'être comme tous les autres, sauf cet homme, il a dû apprendre la nouvelle par un étranger. Trahison, c'est le sentiment qu'il a ressenti tout d'abord lorsqu'il a compris. Puis la tristesse et le désespoir l'ont submergé, et il a alors plongé dans une grande dépression dont il n'est toujours pas sorti. Il en est même bien loin.

Un hurlement rauque se détache du bruit lointain de la circulation mêlé au bruissement des feuilles et aux gazouillements des oiseaux ainsi qu'au brouhaha de ces promeneurs du samedi. Ce hurlement, c'est le sien bien sûr. Mais la plupart des gens ne se retournent pas, ne se retournent plus, ils ont pris l'habitude de ces cris émanant de la bouche d'un jeune homme et qui se font entendre depuis des semaines déjà. Les promeneurs en ont marre, ils soupirent, l'engueulent, le menacent même d'appeler la police. Mais rien y fait, il s'en fiche et il continue son chemin les mains dans les poches de son jean sans même daigner poser les yeux sur ces passants colériques. Ça lui fait un bien fou. Depuis des semaines, il fait cela, depuis le jour où il a construit cette phrase et la écrit sur une feuille qu'il a accrochée sur son mur de chambre :" Crie, hurle ton malheur. Extériorise ta douleur." C'est ce qu'il fait encore et encore sans que jamais ça ne porte vraiment ses fruits, il ne se sent pas mieux, loin de là. Mais pourtant il continue à avancer, avancer sur le chemin de terre et non le chemin de la vie, car depuis que ce grand obstacle s'est mis en travers de sa route il stagne au même endroit, sans même chercher à déplacer cet obstacle et à reprendre la route. Il ne veut plus la reprendre de toute manière, à quoi bon ? Plus rien ne dirige sa vie et son destin depuis que la nouvelle lui a été divulguée. Inquiétude et solitude, doute et réflexion, tension et perdition, tristesse et désespoir, instabilité et anxiété, désarroi et insatisfaction, étonnement et peur, manque et supplice. Tous ces mots manquant cruellement de sens pour les gens ayant une vie normale en avaient grandement pour un jeune homme. Ils se mélangeait tous, s'associant parfois au plus grand damne du garçon qui arrivait difficilement à réprimer cette envie de s'ouvrir les veines. Ils bouillonnaient à l'intérieur de son corps avec l'envie irrépressible de vouloir sortir et ainsi montrer au grand jour la véritable identité, sensible et blessé, de ce jeune homme.

Comme je le disais précédemment, aujourd'hui encore, il errait dans le parc seul et toujours aussi perdu, sa gratte attaché en bandoulière dans son dos. Il regardait fixement devant lui, le regard perdu dans le vague, il évitait au dernier moment les personnes qu'il croisait sans même s'en apercevoir. En fait, il réfléchissait comme d'habitude et ne prêtait aucune attention à ce qu'il se déroulait aux alentours, ses jambes le portaient là où elles le souhaitaient sans même qu'il ne fasse aucune objection. Etrange, vous pouvez le dire surtout lorsqu'on connaît la personnalité du jeune homme, celle de vouloir constamment tout diriger. Mais avec tous les problèmes qu'il avait eu, c'était tout à fait normal qu'il ne prête attention à tout cela. Lui qui avait réussi à s'ouvrir de nouveau, le voila qui s'était fermé comme une huître, ne voulant plus parler de rien à personne préférant rester seul. Il avait de nouveau changé, il était redevenu le mec introverti qu'il était à son arrivée pour le plus grand malheur de tous. Sa main droite se déplaça de la poche avant à la poche arrière de son jean, et, sans même sortir le paquet, il l'ouvrit et retira une cigarette de ce dernier. Il récupéra en même temps un briquet, alluma la cigarette puis tira une longue latte de cette dernière. Ça faisait un bien fou de sentir la fumée incolore et pourtant si nuisible parcourir pour finir son long chemin dans ses poumons. Il arriva devant un portail en fer noir, magnifique, le jeune homme frémit quelques secondes avant de pousser la porte qui grinça légèrement. Une hésitation d'une demie-seconde comme chaque fois qu'il venait ici, c'est-à-dire chaque jour à la même heure. C'était presque un rituel. Comme d'habitude les souvenirs de la cérémonie qui s'était déroulée ici quelques semaines plus tôt défilaient devant ses yeux sans qu'il ne puisse les arrêter. Il s'en souvenait parfaitement, il s'était tenu sous cet arbre là-bas, se recueillant en silence loin des personnes qui entouraient la longue et belle boîte. Solitaire, toujours. Un homme avait voulu s'approcher de lui pour lui parler de tout ça, cet homme il le connaissait bien sûr, mais ça faisait six ans qu'il ne l'avait pas vu. Le jeune homme lui avait lancé un regard noir à glacer le sang d'un mort puis il s'était enfui comme un voleur pour se promener le long d'une rivière. Le jeune homme continuait de fumer tranquillement, marchant lentement mais d'une façon plutôt assurée. Toute personne l'ayant vu là qui venait de s'arrêter au milieu du chemin l'aurait sûrement pris pour un malade mental. Mais le jeune garçon s'était simplement arrêté pour finir sa cigarette et ainsi la jeter par terre écrasant ainsi le mégot. Il ne voulait aucunement pollué autour de l'endroit où il allait. Il reprit sa marche quelques minutes avant de se stopper un peu plus loin devant une "boîte" en marbre. Une tombe. Sa tombe. Le garçon murmura un petit :"Me revoilà Ange, comme d'habitude. Je t'ai pas trop manqué j'espère, toi si en tout cas, enfin tu t'en doutes." Puis il avait retiré l'étui de sa guitare de son dos pour la déposer sur le par terre. Il l'ouvrit et en sortit une rose blanche qu'il déposa à côté des dizaines d'autres qu'il avait apportées les jours précédents. Puis il sortit la guitare, la déposa sur la tombe, et enfin des feuilles avec un crayon de papier. Enfin il s'allongea sur le ventre sur la boîte qui signalait que la dessous se trouvait le cercueil de quelqu'un, en l'occurrence sa meilleure amie et amour de sa vie. Oui ça paraissait vraiment bizarre, mais non pas du tout pas pour lui en tout cas, c'était comme s'il se trouvait en sa présence et qu'il partageait toujours des moments intimes avec elle. Le jeune homme toussota légèrement pour s'éclaircir la voix, signe qu'il allait prendre la parole d'une minute à l'autre. Mais avant tout, il croisa ses bras qu'il posa sur le marbre et finalement posa son menton sur le dos de ses mains. Enfin les mots s'élevèrent dans l'air :

- Hier je pensais à nous, comme toujours, nos souvenirs qui datent de six ans quand on était encore des adolescents. On avait regardé Anastasia, tu t'souviens, moi en tout cas oui. On était allongé sur mon lit, tu étais blottie dans mes bras et je te serrais fort contre moi. Eh bien les paroles d'une des chansons me sont soudainement revenues hier soir. Ecoute. Des images me reviennent comme un souvenir tendre, une ancienne ritournelle, autrefois en décembre. Je me souviens il me semble des jeux qu'on inventait ensemble, je retrouve dans un sourire la flamme de mes souvenirs.

Bien sûr le jeune homme avait chanté comme dans le film cette phrase qui leur avait tant plu à l'époque. Une larme perla à son oeil, le jeune garçon l'essuya rapidement d'un revers de la main. Puis il saisit son crayon de papier et ses feuilles et, dans un silence de mort, il commença à écrire des phrases. Parfois il prenait sa gratte et commençait à jouer quelques notes, comme s'il créait une chanson. En fait c'est ce qu'il faisait, mais dans le désordre puisque les phrases ne collaient pas avec la musique, d'ailleurs la plupart n'iraient sûrement pas dans une chanson qu'il écrivait en ce moment mais plutôt sur une feuille qu'il accrocherait à son mur recouvert de centaines de petits papiers avec des phrases inventées ou des citations. Les minutes s'écoulaient lentement pour lui, c'était ainsi à chaque fois qu'il venait ici, c'était pour cela qu'il était un peu plus ouvert à cet endroit, juste parce qu'il était en sa présence. Il ne pensait plus à l'homme qu'il détestait aujourd'hui et pour le reste de ses jours le plus au monde, Jason Cobain, ce professeur qui pendant un moment avait partagé avec sa meilleure amie de grands moments d'intimité et ainsi le jeune homme était pris d'une jalousie maladive, encore aujourd'hui lorsqu'il passait dans les couloirs de l'université pour aller prendre des affaires dans sa chambre et qu'il le croisait, il avait envie de le frapper jusqu'à ce qu'il meure. Il ne pensait rien, à part à Elle et à tout ce qu'ils avaient vécu ensemble. Après une heure, le jeune homme arrêta d'écrire et saisit une nouvelle fois sa guitare. Il commença à jouer quelques notes et sa voix claire s'éleva dans les airs, chantant une phrase, simplement une :

- Les mots ne sèchent pas les pleurs, les mots ne réparent pas les cœurs... - reprend une voix normal - Ange, j'ai réalisé qu'aucun jour dans ma vie n'avait d'importance sans toi. C'est toi que je veux à mes côtés quand mes rêves deviennent réalité, et c'est toi que je veux à mes côtés si ça ne marche pas. Tant que je t'ai toi, rien d'autre ne compte...

Le jeune homme avait toujours souhaité lui dire ça, mais il n'en avait jamais eu l'occasion. Si, bien sûr, il l'avait eue, mais malheureusement il ne l'avait pas saisi et maintenant, pour la première fois, il la prononçait autre part que dans sa tête alors qu'elle était morte. Mais normalement, elle devait l'entendre, et puis au fond elle le savait déjà tout ça. Le garçon se recroquevilla sur lui-même, ses jambes se replièrent pour venir toucher son torse et ses bras entourèrent ses genoux, il posa finalement son menton sur ces derniers. Une paire de vans noirs avec quelques têtes de morts blanches dessinées sur le tissu, un slim lui aussi noir pas vraiment spécial, un slim est un slim, un tee-shirt représentant Mickey Mouse dans les premiers épisodes transmis donc en noir et blanc sifflotant tout en ayant en main le gouvernail d'un bateau. Une veste noire, et oui c'est sa couleur de prédilection, qui s'accorde parfaitement avec ses vans puisque sur le dos de cette veste une grosse tête de mort blanche est dessinée. Ses cheveux sont mi-longs et noirs, une longue mèche recouvre totalement son œil droit. Ses yeux parlons-en. Bleus, bleus cobalt, comme toutes les fois où il vient ici, ils brillent de tristesse mais de bonheur aussi. Ils brillent à cause des larmes que le jeune homme refoule, mais aussi parce qu'il la retrouve en quelque sorte. Ces yeux ne peuvent appartenir qu'à une seule personne. Alex Stevens, Alex au cœur brisé recroquevillé sur la tombe de sa meilleure amie, confidente, femme de sa vie, Amy Green. Sur les feuilles, plusieurs phrases étaient inscrites, mais quelques-unes ressortaient grandement puisqu'elles étaient écrites en plus gros, et il avait bien appuyé pour leur donner du relief. "On se fait mal quand on casse des liens, tu sais ça nous touche tous un par un." "Le cri du sentiment est toujours absurde ; mais il est sublime, parce qu'il est absurde." C'est alors qu'un nouveau cri rauque se fit entendre. Mais si vous écoutiez bien, ce n'était pas un cri, c'était un appel, un appel au secours, un appel de détresse, un appel que vous définirez chacun de façon différente. Un mot, plutôt un prénom se distinguait clairement lorsque l'on tendait l'oreille : Amy. Après quelques secondes de ce cri, le jeune homme rabaissa son visage qu'il avait soulevé pour fixer le ciel, murmura un "Je t'aime" presque inaudible puis une nouvelle larme glissa le long de sa joue qu'il ne chercha même pas à essuyer. Alex, écorché vif parce qu'à chaque fois qu'il a touché au bonheur, il a fini en pleurs, écorché parce qu'il vit dans ses poèmes, parce que les mots ont fait de lui ce petit gosse à problème, écorché parce qu'il enchaîne les larmes, ça passera de toute façon avec une fille ou une arme, écorché vif quand il a cette putain d'envie de fuir, de quitter un peu la Terre pour quitter ce qui peut le nuire. Alex, écorché, y'a trop d'étoiles à décrocher, en essayant de les compter, il a compris que fallait pas rêver...